Repro dinde : une filière en manque de jeunes recrues

Il y a deux ans, le GAEC La Marronière, à Le Mené Plessala dans les Côtes-d’Armor cherchait un nouvel associé. Face à l’absence de candidat, Christophe Beurel a finalement converti un jeune cuisinier à l’élevage de dindes reproductrices.

Il y a deux ans, vous cherchiez un associé, aujourd’hui, vous avez finalement recruté un salarié. Pourquoi ce choix ?

J’ai cherché pendant un certain temps, mais je n’ai trouvé personne. Pourtant, j’ai communiqué via tous les magazines professionnels et agricoles, la télévision régionale et le registre départemental des départs en retraite. Nous n’avons eu absolument aucun contact.

À l’époque, j’étais associé avec ma sœur et nous avions un salarié. L’an dernier, j’ai finalement racheté les parts de ma sœur, transformé le GAEC en EARL et recruté un nouveau salarié.

Un site comme le mien, avec 8500 femelles et 500 mâles, représente environ 3,5 ETH. Nous sommes trois à l’heure actuelle, mais pour être confortable, il faudrait être quatre. Moi, je travaille au-delà de 35 heures, et une main d’œuvre externe vient parfois nous filer un coup de main de temps en temps, par exemple lorsqu’un de mes salariés est en repos.

Comment expliquez-vous l’absence de candidat ?

Pour quelqu’un qui arrive sur notre site, ça peut impressionner. C’était familial, il faut s’intégrer, se mettre d’accord sur les parts, etc.

Puis, c’est une production qui est prenante, car il faut être présent 7/7 jours. De moins en moins de monde souhaite travailler le dimanche. Puis il y a les risques sanitaires. C’est du hors-sol, on passe beaucoup de temps dans les bâtiments, contrairement à la production laitière. Les jeunes cherchent du travail plus varié, il veulent faire un peu de tracteur, etc. En repro, ce n’est pas le cas.

Comment s’est déroulée l’intégration de votre nouveau salarié ?

C’est quelqu’un qui ne connaissait pas du tout le milieu de l’élevage puisqu’il était cuisinier. Je l’ai formé et ça se passe très bien.

Il a 33 ans aujourd’hui, moi 48. Peut-être qu’un jour, il reprendra le flambeau !

Vous, qu’est-ce qui vous plait dans cette production ?

Quand je me suis installé, c’était une exploitation familiale. Je me suis associé avec ma sœur et mon beau-frère. C’était rémunérateur à l’époque, ce qui était encourageant. On travaille 7/7 jours, mais en étant en GAEC on parvenait à se libérer quelques weekends et à s’organiser pour avoir des horaires raisonnables.

Puis j’aime le contact avec les animaux, donc ça ne me dérange pas de passer mes journées dans les bâtiments.

Avec vos salariés, parvenez-vous à vous libérer quelques dimanches ?

Oui, mais pas en début de bande ni pendant les pics de ponte, car ces périodes sont stratégiques et nécessitent un suivi de près. Puis les salariés travaillent 35 heures par semaine. Ils sont présents un dimanche et demi par mois chacun, et bénéficient donc de journées de repos en semaine et cinq semaines de congés payés. L’investissement est différent. C’est pour cette raison que je cherchais d’abord un associé. Moi j’ai été associé pendant 23 ans, on ne regardait pas nos horaires, mais on s’adaptait à la charge de travail.

Vous dites « à l’époque, c’était rémunérateur ». Est-ce moins le cas aujourd’hui ?Par rapport à d’autres productions, on est sans doute dans la bonne moyenne. Je suis en contrat avec un accouveur avec un prix à l’œuf déterminé. En tant qu’éleveur, on a tendance à trouver que ce n’est jamais suffisant compte tenu du temps passé, des investissements réalisés et des contraintes sanitaires que la production nous impose.

Comment voyez-vous l’avenir ?

En ce qui me concerne, je suis serein. Le seul maillon qu’on ne maitrise pas forcément, c’est l’aspect sanitaire. On n’est jamais à l’abri d’avoir un pépin sanitaire, même en prenant toutes les précautions nécessaires.

J’imagine que les contrats évolueront selon l’inflation. 70 % de ma production est exportée. La plupart de mes œufs partent à l’étranger, notamment en Russie. Cela représente un travail supplémentaire : il faut estampiller les œufs, mettre en place un conditionnement particulier, etc. C’est une charge de travail supplémentaire, mais qui permet de valoriser un peu mieux mon outil de travail.

Concernant l’avenir de la filière, ce qui m’inquiète, c’est qu’on ne trouve plus de jeunes pour se lancer dans la repro dinde. Et s’il n’y a plus d’éleveurs, comment les couvoirs arriveront-ils à produire à l’avenir ? Je suis assez inquiet, je crains que la production se déplace progressivement à l’étranger, ce qui serait bien triste, notamment en termes d’emploi. Sur mon site, j’ai une équipe de 5 personnes qui vient travailler six heures, deux fois par semaine. C’est environ 2500 heures par an de main d’œuvre externe pour la partie insémination. Tout cela crée des emplois !

Ceci dit, c’est une production qui est prenante et qui était rémunératrice il y a 20 ans, mais qui l’est beaucoup moins aujourd’hui étant donné les coûts de construction, d’entretien et de main-d’œuvre externe qui ont augmenté. Et malheureusement, on n’encourage plus assez les jeunes qui sont prêts à prendre des risques aujourd’hui.

Si l’on veut les attirer vers cette production, il faudra organiser les exploitations en GAEC pour permettre aux éleveurs de se libérer du temps. Car même les surhommes ne tiennent pas longtemps. On peut se donner à fond pendant un lot, mais pas éternellement. Chacun a aussi droit à une vie privée et à un peu de liberté.

Pensez-vous que la filière repro dinde manque de visibilité ou de formation ?

On parle de la volaille un peu plus qu’avant, surtout pour la volaille de chair. Mais le maillon multiplicateur est encore assez méconnu. Beaucoup de gens ne savent pas que la dinde pond. Quand on leur dit que la dinde est inséminée artificiellement une fois par semaine, certains tombent des nues.

Personnellement, j’aime mon travail, je suis heureux dans ce que je fais. À partir du moment où on aime ce que l’on fait, on peut avoir des résultats et gagner sa vie.

J’avais l’opportunité de m’installer en production laitière quand j’étais jeune. Je ne regrette pas aujourd’hui d’avoir choisi la dinde, même si j’ai eu des moments difficiles.

Puis ailleurs aussi, la taille des structures est de plus en plus importante, les gens ont beaucoup de travail. Finalement, la dinde n’est pas forcément plus chronophage que d’autres productions.

Là par exemple, il est 18 heures, ma journée est terminée ! Par contre, ce matin, j’étais à 6 heures dans les bâtiments !

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